Aller au contenu

 

Mieux déceler la maladie, là où elle se trouve

Grâce aux travaux du groupe de recherche Primus, les décideurs auront bientôt accès à des outils qui mettent la géomatique au service de la santé en ciblant l'incidence de maladies chroniques selon les régions

Grâce à des outils géomatiques, il est possible d'identifier des différences qui peuvent exister entre la prévalence de certaines maladies chroniques et la prestation de soins dispensés en région rurale, isolée ou urbaine. Un groupe de recherche de l'UdeS travaille à concevoir un outil qui fournira un nouvel éclairage en ce sens.
Grâce à des outils géomatiques, il est possible d'identifier des différences qui peuvent exister entre la prévalence de certaines maladies chroniques et la prestation de soins dispensés en région rurale, isolée ou urbaine. Un groupe de recherche de l'UdeS travaille à concevoir un outil qui fournira un nouvel éclairage en ce sens.
Photo : Michel Caron

11 septembre 2008

Robin Renaud

Selon les travaux menés par le groupe de recherche Primus, les populations des villes et de la campagne ne sont pas affectées de la même manière par les maladies chroniques. Le groupe travaille à dresser un portrait de quatre maladies chroniques au Québec, et de leur incidence auprès de différentes tranches de la population. Un outil informatique verra le jour au printemps 2009, afin de fournir aux décideurs des données précieuses quant aux nuances qui peuvent exister, en fonction du milieu de vie des populations.

Les maladies observées sont l'infarctus du myocarde, l'ostéoporose et le diabète. Dans une seconde phase du projet de recherche, les problèmes de douleur chronique seront également à l'étude.

Le professeur Alain Vanasse dirige le groupe de recherche Primus, implanté au Centre de recherche clinique Étienne-Lebel du CHUS. Il explique ainsi le sens de ses recherches : «Contrairement à la recherche fondamentale qui se fait au niveau de la cellule ou de la recherche clinique qui s'intéresse au patient, les travaux que nous menons essaient de mettre en lumière la situation globale d'une population.»

L'approche géomatique permet donc aux chercheurs de mesurer comment des populations données – urbaine, rurale ou en milieu isolé – sont affectées par la maladie et dans quelle mesure elles reçoivent des soins. «Le recours à la géomatique nous permet de mettre en relation des données de format différent et de provenance différente en les indexant à l'aide de points précis dans le temps et l'espace, par exemple, un axe routier, un polygone ou le territoire d'un CLSC. Cela nous permet de mettre en relation des données dont les unités d'analyse ne sont pas les mêmes.» Ces données proviennent notamment du recensement, de la régie de l'assurance maladie du Québec et de l'enquête sur la santé des communautés canadiennes. Au final, ces observations permettent de dégager des hypothèses qui n'auraient pas pu être identifiées autrement.

Influence du milieu

Le choix des maladies à l'étude répondait à des critères précis, comme la récurrence des épisodes de crise, explique le professeur Vanasse. «L'infarctus du myocarde est l'expression aiguë d'une artériosclérose chronique sous-jacente. Quand un premier infarctus survient, il arrive généralement que d'autres événements aigus surviennent plus tard. Même chose pour les fractures de fragilité liées à l'ostéoporose», illustre-t-il. L'objectif du groupe de recherche était donc de voir dans quelle mesure la prévalence de telles maladies et leurs traitements pouvaient différer pour les populations vivant dans les villes, ou dans les régions isolées. Ainsi, la carte du Québec a été subdivisée en six types de région. «De cette manière, nous pouvions regrouper des tranches de populations ayant des attributs semblables quant à la culture ou aux modes de fonctionnement.»

Ainsi, dans le cas des populations atteintes de maladies cardiaques, il a été possible d'établir que les gens vivant en ville obtenaient plus de soins spécialisés et qu'en proportion, il se pratiquait davantage d'angioplasties. «En revanche, les populations rurales ne présentent pas un taux de mortalité plus grand lié aux maladies cardiaques, explique le professeur. On s'explique mal cette différence et d'autres recherches sont nécessaires pour comprendre ce phénomène.»

Dans le cas de l'ostéoporose, il sera particulièrement utile de mieux cerner cette maladie. Actuellement, cette maladie est sous-diagnostiquée et les fractures sont souvent le moment critique où l'on découvre qu'une personne en est atteinte.

Les données compilées par l'approche géomatique serviront éventuellement à mesurer la justesse des guides de pratique destinés au corps médical. Actuellement, les médecins interviennent face aux symptômes en fonction de lignes directrices générales, mais on connaît mal l'application de ces normes et leur impact dans la vie réelle.

La vraie vie

Le professeur Alain Vanasse et une partie du groupe de recherche Primus : Shabnam Asghari, Gabriela Orzanco, Mylène Ledoux, Josiane Courteau, Mireille Courteau et Dominik Boucher. Absent de la photo : Mathieu Plante.
Le professeur Alain Vanasse et une partie du groupe de recherche Primus : Shabnam Asghari, Gabriela Orzanco, Mylène Ledoux, Josiane Courteau, Mireille Courteau et Dominik Boucher. Absent de la photo : Mathieu Plante.
Photo : Robert Dumont

L'approche des chercheurs du groupe Primus en est donc une de type écologique, ajoute Alain Vanasse, où se fait l'observation de la «vraie vie» : «Nous faisons essentiellement l'observation de populations, afin de connaître la réalité locale. Par contre, notre approche ne permet pas de tirer des conclusions définitives comme en recherche fondamentale ou clinique; dans de tels cas, une même étude menée à Sao Paolo, Tokyo ou Montréal donnera des résultats similaires. Avec l'approche géomatique, les résultats de nos recherches sont nécessairement teintés par la réalité locale. Si l'on étudie l'utilisation des soins de santé en France, en Angleterre ou au Québec, les résultats vont varier parce que les systèmes sociaux et les habitudes culturelles sont différents», explique-t-il.

L'approche géomatique peut parfois contredire les tests cliniques, ajoute Alain Vanasse. Il cite en exemple le retrait du médicament Vioxx, qui selon des résultats cliniques pouvait augmenter le risque d'infarctus chez les patients. «En interrogeant les banques de données sur les populations, on n'a pas observé d'augmentation significative du nombre d'infarctus, dit-il. Il y a même eu une réduction de la mortalité.» Alain Vanasse affirme que la recherche clinique ne tient généralement pas compte de variables telles que l'environnement physique ou humain, comme la proximité d'un centre de santé, le taux de navettage à un centre urbain ou le caractère rural de la région.

Un système informatique

D'ici avril 2009, le groupe Primus mettra en ligne un portail informatique destiné aux décideurs de nos services de santé. Créé avec l'aide de collègues de l'Université Laval et de la firme Khéops Technologie, ce système comportera une base de données qui pourra être interrogée en fonction de critères précis. Des chiffres, tableaux et cartes géographiques pourront alors être créés en fonction des besoins de l'usager. Les données sur les trois premiers groupes de maladies seront disponibles. La recherche sur la douleur chronique (fibromyalgie, migraine, maux de dos) constituera la seconde phase du projet global et débutera en 2009.